Tamsir Ndir – Dj, chef
Série « Le studio des Vanités »
Omar Victor Diop, 2012
Manden l’Original - Bloggeur
Série « Le studio des Vanités »
Omar Victor Diop, 2012
Soif
Série « Le futur du Beau »
Omar Victor Diop, 2011
Milo – Fashion designer
Série « Le studio des Vanités »
Omar Victor Diop, 2012
Adama Paris – Designer, entrepreneuse dans la mode
Série « Le studio des Vanités »
Omar Victor Diop, 2013
Kraft
Série « Le futur du Beau »
Omar Victor Diop, 2011
Aminata Faye
Série « Le studio des Vanités »
Omar Victor Diop, 2013
Joel Adama Gueye – Chanteur, compositeur, modèle
Série « Le studio des Vanités »
Omar Victor Diop, 2011
Gaël Mongo – Chanteuse, coach vocal
Série « Le studio des Vanités »
Omar Victor Diop, 2013
Ken Aïcha Sy – Bloggeuse, a fondé un label de musique
Série « Le studio des Vanités »
Omar Victor Diop, 2011
« LE PAIN N’EST PAS SEULEMENT FAIT POUR LES BOULANGERS »
Ce qui m’a toujours fasciné dans les travaux de Jean-Paul Goude, Annie Leibovitz et Richard Avedon, c’est ce goût pour le dramatique, ce goût pour l’irréel et le fantaisiste.
La Beauté
Interview avec Victor Omar Diop à Dakar, 2014
LA PHOTOGRAPHIE, C’EST UN MOMENT DE RÊVE, UNE ÉCHAPPATOIRE, C’EST LE SUBLIME.
Bleue
Série « Le futur du Beau »
Omar Victor Diop, 2012
UNE IMAGE POSITIVE DE L’AFRIQUE
Q Dans un article, vous vous démarquez de la photographie comprise comme outil de témoignage, vous l’utilisez plutôt comme une invitation à rêver. Pensez-vous que la photographie en Afrique a tendance à montrer une réalité plutôt négative ? Essayez-vous d’être plus créatif avec cette réalité ?
OVD Il y a toutes les écoles en Afrique. Je pense que c’est nécessaire qu’il y ait des gens qui se spécialisent et qui montrent les choses qui ne vont pas bien, c’est un devoir de documentation. Il y a des gens qui sont très bons pour ça, et d’autres qui sont un peu moins familiers avec ces situations difficiles. Je suis très urbain comme Sénégalais Dakarois, je ne connais que Dakar. C’est un univers et un ensemble de personnalités, une société que je connais parce que j’en fais partie, c’est vraiment mon sujet de prédilection. Je pense que des gens comme moi qui parlent justement de cette Afrique-là, urbaine, très ouverte sur le monde et qui l’a toujours été, sont tout aussi utiles que des gens qui justement ont les compétences, la légitimité, et l’intérêt pour montrer d’autres choses un peu plus sombres. C’est une balance, il faut vraiment que chacun se spécialise dans ce qui l’intéresse, et aussi ce sur quoi il est susceptible de produire un contenu qui aura un impact, aussi bien sur le continent que sur les perceptions que le reste du monde a du continent.
L’ART POUR TOUS – UNE ANECDOTE
Q Vous évoquez le fait que vous abordez votre sujet de manière ludique. Quelle importance accordez-vous au public ? Au gens d’ici, aux gens d’Europe ?
OVD Je cite toujours une anecdote qui me fait sourire. La première fois que j’ai montré Le futur du beau [titre d’une série de photographies, 2011-2012] au Sénégal – c’était mon premier projet, j’étais encore totalement inconnu au bataillon – j’ai installé moi-même les tirages. Il y avait le personnel, les femmes de ménage de ce centre-là, qui avaient fini leur journée, qui étaient en train de rentrer. Il y avait un groupe de trois ou quatre femmes qui se sont arrêtées devant une photo. Je crois que c’était celle où le modèle avait les brosses à récurer sur la tête. Et elles parlaient en toute liberté parce qu’elles ne s’imaginaient pas que c’était moi le photographe, elles s’imaginaient que j’étais le menuisier qui installait, et je les entendais parler. Ce qui était marrant, c’est qu’elles se retrouvaient vachement, parce que la manière dont le foulard de tête était noué, l’une disait que cette coiffure avec les pompons, ça lui rappelait une vieille photo de sa grand-mère, parce que c’était un style des années 50, et donc il y a eu toute une conversation sur le nom de cette coiffure. L’une disait que ça s’appelait comme ça, l’autre disait „Mais non, tu ne sais pas, ça s’appelait comme ça, ma mère le faisait encore dans les années 60...“. Et j’étais très content, bien au-delà de la réponse médiatique et de l’intérêt artistique. Ce feedback-là était très gratifiant pour moi, parce que, en particulier pour ce projet-là, c’est vraiment à tout le monde, y compris à ces femmes de ménage, que je m’adressais. Je sais très bien que le lendemain, elles ne se sont pas mises à se mettre des brosses à récurer sur la tête, mais au moins ça a fait tilt et elles ne sont pas passées devant comme elles l’ont fait, j’imagine, à toutes les expos, en se disant „Ah, ça c’est des choses artistiques, c’est des choses de fous!“. Ça les a vraiment interpellées et elles ont pris le temps de discuter et de reconnaître un peu les indices que je mettais dans cette photographie. Ça, c’est un souvenir que je garde et jusqu’à présent, à chaque fois que je compose une photographie, j’essaie d’avoir un discours qui est accessible à tout le monde. Il y a un proverbe qui dit que „Le pain n’est pas seulement fait pour les boulangers“, donc pourquoi l’art serait seulement fait pour les artistes ? Il faut que ça soit fait pour tout le monde, parce que c’est un produit social, et c’est très important en tout cas pour moi.
« CE N’EST PAS DE LA RADIOGRAPHIE, C’EST DE LA PHOTOGRAPHIE »
OVD Tout le travail se fait avant la prise de vue. Parce qu’il faut créer une relation. Ce n’est pas seulement le travail du photographe, c’est un travail d’équipe. Il faut que la personne soit à l’aise, il faut connaître la personne pour savoir quelle est sa zone de confort, quelles sont les choses qui sont susceptibles d’être photogéniques, quelles sont les choses que la personne à envie de montrer. Ce n’est pas de la radiographie, c’est de la photographie. En général, avant une séance de prise de vue, j’ai souvent plein de rencontres avec la personne, on discute. Vraiment, je tiens à ce que ça soit amical, et aussi, je suis quelqu’un qui travaille très vite pour les séances de prise de vue. Mes séances de prise de vue ne durent rarement plus d’un quart d’heure.
LE TEXTILE COMME MODE NARRATIF
Q Quel rôle joue la couleur, mais aussi les tissus, dans vos photographies ?
OVD D’une manière générale j’ai beaucoup d’intérêt pour le textile. Je pense que s’il y a un moyen de raconter un contexte et de suggérer des choses par rapport à l’individu que je photographie, c’est justement par le choix des textiles, le choix des formes géométriques et aussi par le choix de l’origine du textile. Moi en tout cas, quand je regarde chacun des portraits a posteriori et que je me demande pourquoi j’ai choisi ce graphisme et ce tissu pour telle personne, souvent je me rends compte que ça colle énormément avec l’idée que je me fais de cette personne. Et en général, ces personnes s’y retrouvent aussi énormément. Je choisis toujours l’arrière-plan. Le décor, c’est toujours moi. Ce que les gens choisissent de porter, c’est vraiment selon leur personnalité. Il y en a qui ont une idée de ce qu’ils veulent mettre, et d’autres qui me laissent choisir. Mais la plupart du temps, j’ai mon mot à dire sur ce que les gens mettent, ou je dramatise un peu l’idée de base que les gens ont.
LES REFERENCES PHOTOGRAPHIQUES
Q Comment vous positionnez-vous par rapport à la photographie de mode internationale ? Dans quelle tradition vous voyez-vous ?
OVD Je penserais à Jean-Paul Goude, Annie Leibovitz, Richard Avedon. Ce qui m’attire et ce qui m’a toujours fasciné dans leurs travaux, c’est ce goût pour le dramatique, ce goût pour l’irréel et le fantaisiste. Tant qu’il s’agit de photographie de mode, que ça ait l’air vrai, que ça ait l’air cohérent, ce n’est vraiment pas ça le souci. C’est une invitation au rêve. Je sais très bien qu’il ne s’agit pas d’un photographe, mais quand on regardait un défilé d’Alexander McQueen, on savait très bien qu’il n’y aurait personne pour marcher sur des talons comme ça dans les rues londoniennes. La photographie, c’est un moment de rêve, une échappatoire, c’est le sublime. Tant qu’il s’agit de photographie de mode, ce n’est pas un documentaire de National Geographic, ce n’est pas du journalisme. S’il faut intervenir de manière graphique, s’il faut beaucoup de retouches, pourquoi pas. C’est aussi de la création, on n’a jamais dit que la création s’arrêtait au moment où la photo était shootée. Je ne voudrais pas être prétentieux et dire que je m’inscris dans cette lignée, parce que je sais tout le travail, tout le génie qu’il faut pour produire des portfolios comme ça, mais ce sont des gens que je considère comme des références pour moi.
UNE HISTOIRE DE L’ART GLOBALE
Q Vous avez dit que l’on assiste à une nouvelle ère, avec en même temps des références à la tradition de l’histoire de l’art. Comment voyez-vous ce mélange ?
OVD On passe notre temps à s’influencer d’un continent à l’autre. Quand on regarde certaines photographies de Seydou Keïta, moi ça me fait penser à certaines peintures d’Henri Matisse, en regardant Matisse, on trouvera forcément des influences africaines, et ainsi de suite. En regardant certaines photographies, par exemple une photographie de Mama Casset je crois, où il y a deux dames super bien coiffées, assises côte à côte, je ne peux pas m’empêcher de faire le lien avec une peinture de Frida Kahlo. Ce sont des choses qui sont tellement en nous qu’elles deviennent inconscientes, mais elles sont vraiment là. Je pense qu’avec ce bagage visuel africain ou ouest-africain que j’ai, je touche un public africain, mais pas seulement africain, la terre entière, car c’est certainement le fruit d’autres influences qui viennent d’ailleurs, et ce sera un juste retour.
Interview réalisée au Goethe Institut Senegal, Dakar, 19. 06. 2014
par Marion Jäger, Bärbel Küster, Marie-Louise Mayer, Alicia Hernandez Westpfahl